Une page d’histoire : A Cunsulta d’Orezza du 6 au 8 janvier 1735

Edito/caparticulu Numéro Spécial Ottu di dicembri 2005:

L’Ottu di dicembri, le 8 décembre : les élèves ont été entendus ! Désormais cette date est à retenir ! Une journée qui parle de notre histoire, de notre langue, du chant et de tout ce qui nous touche, marquant enfin un tournant décisif dans la culture lycéenne. Cette reconnaissance est certes un premier pas, mais cela est indispensable. Désormais la voie est tracée, il est donc important d’y participer et de renouveler sans cesse ce genre de projet. Cette initiative doit être prise comme un départ, encourageant à améliorer dans les années suivantes, à pérenniser et à institutionnaliser.

Mobilisation lycéenne, des jeunes en général d’une " Journée de la Corse " : tocca à ognunu à fà di stu ghjornu un ponte culturale pà tutti i ghjovani di Corsica al dilà di a pulitica, viulenza è altri capatoghji…Tutti l’allevi, i prufissori, i parenti di Corsica sò chjamati à fà di l’ottu di dicembri a Ghjurnata sana pà pinsà à u megliu pà a Corsica, vole dì tene à mente chì a storia hè a mimoria d'un populu, a lingua ne hè l'anima. U corciu, u populu senza storia è à lingua in prestu ! E cusì sia !

Tumasgiu D’ORAZIO

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Festa di a Nazione le 8 décembre. L'idée repose, semble-t-il. sur un texte : celui de la " consulta de Corte " de janvier 1735, qui place la Corse sous la protection de l'Immaculée Conception - fêtée le 8 décembre-. Mais qu'en est-il vraiment de ce texte ?

Les textes historiques ?

L'historiographie traditionnelle a donné de manière incertaine le mois de janvier 1735 pour une consulte dont l'importance a été maintes fois soulignée. Véritable " déclaration d'indépendance ", elle instaure une " constitution démocratique ", tout en proclamant l'Immaculée Conception de la Vierge Marie patronne du Royaume et en ordonnant que son effigie figure sur les drapeaux et dans les armes de la Corse.

La publication des mémoires de Sebastiano Costa en 1972 permet d’évoquer plus vraisemblablement la réelle consulte , celle d’Orezza (et non celle de Corte du 30 janvier 1735), puisque Costa, témoin et acteur des événements ne connaît que la consulte d'Orezza du 8 janvier 1735. Elle remet également en question le texte traditionnel réduit à 15 articles que le mémorialiste connaît bien pour les avoir rédigés et fait approuver à Orezza. Dans cette version nouvelle disparaissent " l'Immaculée Conception, ... ". Resterait à expliquer l'autre texte, en 22 articles, longtemps donné comme vrai. La question est moins insoluble qu'il ne paraît si l'on songe que toutes les délibérations des consultes donnaient lieu à de nombreuses copies ou prétendues telles qui couraient çà et là entre les mains d'informateurs, d'espions, de propagandistes, dont l'information s'abreuvait à toutes les sources, même les plus douteuses, et dont l'exactitude n'était pas le principal souci.( Le mémorial des Corses : livre 2 (1570-1796) , Soumissions et résistances, Archives 2 A [code A378(2)]. )

Le contexte ?

Cet événement se place dans le mouvement de soulèvement des Corses contre Gênes au XVIIIe siècle (" Révolutions de Quarante ans " – 1729-1769 – ) débouchant sur une période d’hostilités déclarées ou larvées, allant jusqu’à l’éphémère indépendance de la Corse sous le généralat de Pasquale Paoli (1755-1769). Dans les années 1730 les insurgés arborent çà et là le drapeau à tête de Maure, procèdent à une modification héraldique en relevant le bandeau des yeux sur le front et en frappant la devise " adesso la Corsica a aperto gli occhi ".

L’année 1735 ?

Les chefs de l’insurrection éprouvent le besoin de définir certaines règles institutionnelles de la Corse en révolte, qui, sans être à proprement parler un texte constitutionnel, préfigurent déjà le régime paolien. Il s’agit de mesures ponctuelles rédigées en un temps où on recherchait de manière obstinée des soutiens étrangers dans l’espoir de triompher des Génois. Les Corses plaçaient leur action sous la protection de la Vierge et le Dio vi salvi Regina devait par la suite devenir le chant de ralliement (" hymne national " ?) même si cela n’est pas mentionné dans le texte de la Cunsulta de janvier 1735.

La notoriété de la Cunsulta de 1735 ?

Elle est due à une série de résolutions, la première celle d’élire " l’Immaculée conception de la Vierge Marie pour la protection de la patrie et de tout le royaume ", que " son image figurera sur les armes et drapeaux de la Corse "…

Problème évoqué par Antoine Marie Graziani (Corsica N°28 - Janvier 2002 - ) : " reste le problème de la protection de l'Immaculée Conception sur la Corse. Il est tout aussi épineux. Certes, on nous fera valoir que dans le texte du 15 avril 1736 qui " donne " un roi à la Corse, on se place sous l'invocation de La Trinité, de la " Vierge Immaculée Marie Protectrice de ce Royaume " et de Sainte Dévote. et que différents documents, y compris au cours du Généralat de Paoli - les passeports par exemple - reproduiront une image de Sainte Dévote. Mais, il convient de rappeler que la Corse et le reste du " Domaine génois " ont été placés, par le Sénat de Gênes sous la même protection un siècle auparavant! "

Les vraies leçons de la Cunsulta d’Orezza ?

Toujours selon l’historien A-M Graziani, au-delà de la nomination des chefs de l’insurrection, le fait important est que les "  lois et les statuts faits par les Génois et par la République seront abolis et on décide symboliquement " de (faire) de ces lois et de ces statuts un monceau qui sera brûlé publiquement afin d'attester à jamais que les Corses se séparent des Génois et la Corse de Gênes ". Texte important, texte fondamental même puisque pour la première fois les Corses se dotent des moyens institutionnels de mener leur lutte contre Gênes à bien. " "  que l’on ait des versions différentes n'est d'ailleurs pas aussi étonnant qu'il paraît à premier abord : ainsi. le texte généralement considéré comme original de la Constitution paoliste de 1755 et de la main de Paoli lui-même ne nous paraît être aujourd'hui qu'une mauvaise copie. fautive de surcroît. "

Ce compte-rendu a été possible en nous servant du travail ( réalisé par Petru D’Orazio, professeur d’Histoire au Lycée Fesch) mis sur le site du lycée Fesch.

Nous espérons qu’une journée –entière et non pas trois heures furtives en fin d’après-midi, même si c’est un bon commencement - du 8 décembre puisse être banalisée pour être l’occasion d’engagements soutenus et multiples dans tous les domaines de l’histoire, de la culture et de la langue Corses. Il n’est pas insupportable que la jeunesse corse puisse avoir, sur une journée, l’occasion de mobiliser toute son énergie pour une aussi noble intention, en espérant le soutien de tous, institutionnels, enseignants, culturels, créateurs. E cusì sia ! C’est le vœu de ceux qui animent le journal.

Le Comité de rédaction de U FESCHTITOGHJU ( journal des lycéens de FESCH)

8 di dicembri 2005